Page 26 - Le Portrait Espagnol au Musée du PradoLe Portrait Espagnol au Musée du Prado
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la pensée de l’artiste qui se mit à considé- rer spectateur et œuvre dans un rapport de dualité. L’œuvre cessa d’être un fait objectif pour devenir un moyen d’action. De cette façon, les fonctions illusionnistes de la forme devinrent plus importantes et le rôle du delectare, au service du permovere et du docere. EtArganconclut:«L’artduXVIIe siècle n’étudie alors pas tant la nature que l’âme humaine, employant en cela une froideur quasiment scienti que et recherchant par tous les moyens à impressionner l’ homme et stimuler son activité. »En contrepartie, le XVIIIe siècle, siècle international par excellence, a été considéré jusqu’à une date récente, en ce qui concerne l’Espagne, comme la période la moins espa- gnole de l’histoire de la peinture ibérique et des portraits de l’époque, tout au moins à ses débuts. Les grands maîtres des écoles madrilène et sévillane s’étant éteints à la n du XVIIe siècle, c’est comme si la mort de Charles II, le dernier Habsbourg, et l’arri- vée d’un monarque d’origine française sur le trône, Philippe V (1700-1746), de la dynas- tie des Bourbons, avaient marqué le point le plus bas de la peinture espagnole et le commencement de la prédominance des étrangers dans le domaine espagnol jusqu’à Goya. En effet, cette vision super cielle n’est pas sans vérité mais les recherches récentes ont révélé des artistes mésestimés ou incon- nus jusqu’alors qui ont appartenu à cette époque, ce qui permet d’aborder ce siècle différemment, avec une plus grande exacti- tude qu’auparavant.Evidemment, l’ arrivée d’ une nou- velle dynastie a entraîné des changements24notables mais ces derniers ne furent ni sou- dains ni égaux. Le baroquisme du siècle précédent continua de se répandre à la cour de Madrid, comme dans d’autres villes plus traditionnelles, même lorsque les artistes peintres étaient secondaires et que la venue de Français et d’Italiens contribua à moder- niserlesidéesdel’écoleespagnoletoujours ancrée, quant à elle, dans l’esthétique du XVIIe siècle. La présence de Luca Giordano (1634-1705), jusqu’en 1702 à Madrid, et les travaux du peintre théoricien Antonio A. Palomino (1655-1726), proche de l’ Italien Giordano, favorisèrent le succès du baroque décoratif. Les portraits de Miguel Jacinto Meléndez (1679-1734) demeuraient cepen- dant en dessous de ceux de ses homologues européens comme ceux des artistes mineurs qui lui étaient inférieurs, nombreux et ar- chaïsants, de talent médiocre, et desquels le Prado a conservé quelques œuvres.Progressivement, mais lentement, quel- ques peintres espagnols rent leur apparition et leur modeste travail fut le point de départ d’une évolution à venir. Plusieurs facteurs ont été décisifs pour le renouvellement de l’école: les voyages en Italie effectués par certains artistes, joints à l’ acquisition de peintures venues de l’étranger ainsi que la production, sur le sol hispanique, d’artistes outre Pyrénéens, et en n l’impulsion de la Couronne dans le domaine artistique qui a conduit, à l’instar de la France, à la créa- tion de l’Académie royale des Beaux-Arts, la San Fernando de Madrid, conçue dès 1744 et inaugurée en 1752 sous le règne de Ferdinand VI (1746-1759). Cette institution devait être un modèle pour les autres dans