Page 21 - Le Portrait Espagnol au Musée du PradoLe Portrait Espagnol au Musée du Prado
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centre de son empire composite. Cela provo- qua l’af uence d’un nouveau type de public plus complexe et diversi é qu’auparavant ; diverses manifestations culturelles se multi- plièrent ; et les sites royaux furent aménagés jusqu’à en créer de nouveaux, comme le Buen Retiro qui fut d’ailleurs extrêmement décisif pour l’enrichissement des grandes collections de peinture. La noblesse et l’Église érigèrent des résidences ainsi que des lieux de culte, la ville s’agrandit et le théâtre connut un âge d’or. Le portrait fut également un des domaines artistiques qui connut le plus grand succès : sa typologie s’élargit alors de façon remarquable, de même que sa clientèle, et il commença à exporter vers d’autres cours européennes avec des créations signi catives (dans tous les cas des portraits de monarques) qui furent envoyées dans les Maisons prin- cières lointaines, comme dans celles de l’im- mense empire espagnol, rattrapant ainsi son retard pour s’élever à un niveau artistique encore insoupçonné. L’ensemble constitue aujourd’hui des séries d’œuvres majeures, au point que l’une des plus importantes de ces réalisations – la « Théologie de la peinture », nom donné avec emphase par Luca Giordano aux Ménines ( g. 4) – est un portrait de groupe.Comme au siècle précédent, la Cour fut au centre du portrait, rois et courtisans considérant le genre à juste titre, avec ses divers impératifs de représentation, comme le vecteur de leurs aspirations. Fonctions pro- tocolaires, nécessités représentatives, désir de créer une mémoire des faits et des per- sonnages historiques, moyen de propagande monarchique, souvenirs des ancêtres dont les traits furent ainsi préservés, souci également19de faire de ces portraits au naturel des ef gies ambassadrices dans le cadre des politiques matrimoniales ou encore besoin de faire connaître les nouveaux membres de la nou- velle famille régnante, sont autant de raisons qui contribuèrent à l’éclosion de ce genre artistique. Ils furent équestres, en pied, à mi- corps, de trois quarts, assis, intégrés dans des scènes historiques, ou bien en miniatures sur des bijoux ou des breloques, etc.Tous les types du portrait de Cour du siècle antérieur évoluèrent tant sur le fond que sur la forme et en fonction de la mode.Au sein du portrait – le portrait gravé étant plus éloquent en termes d’emphase et de symbologie – une absence presque totale de rhétorique, de pompe et d’allégorie s’im- pose toujours: il tend au vérisme austère et les fonds, souvent des paysages, cèdent le pas à des surfaces planes neutres ou légère- ment ombragées, ce qui facilite la présence de volumes suggestifs créant l’illusion d’une troisième dimension.Velázquez contribua fortement à l’élar- gissement de l’horizon du genre dans toutes ses acceptions. Son coup de pinceau balaya le hiératisme, les contours durs, le carac- tère linéaire, l’excès de préciosité dans les détails et la minutie obsessionnelle, en les remplaçant par tout un univers de touches agiles et  uides, au chromatisme riche, d’une grande souplesse dans les postures grâce à une représentation plus intérieure des carac- tères des modèles qui, le plus souvent, furent traités avec une grande pénétration de l’âme et une psychologie jamais atteinte jusque- là, très proches des spectateurs eux-mêmes. D’autres artistes tentèrent d’approcher au


































































































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