Page 57 - Le Portrait Espagnol au Musée du PradoLe Portrait Espagnol au Musée du Prado
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de la société de l’époque traduisaient un goût pour la singularité, un at- trait pour l’étrange ou une attirance pour la beauté du monstrueux. Loin des connotations négatives actuelles, ces œuvres doivent être lues à la lumière de la fascination pour les curiosités de la Nature, héritée du XVIe siècle et qui prévalut tout au long du XVIIe siècle. Cependant, on ne peut réduire ces œuvres à la simple représentation d’un spécimen d’histoire naturelle. Nous sommes également en présence de symboles et d’allé- gories très prisés à l’époque : dans le portrait nu, la llette est parée de feuilles de vigne et de raisins, référence à Bacchus, dieu romain du vin. Dans le portrait vêtu, sa magni que tenue incarnat contraste délibéré- ment avec la version nue et la pomme dans sa main évoque la tentation et les excès de la chair qu’accentuent les proportions du modèle. Réalisme, allégorie et esthétisme se conjuguent ainsi dans ces tableaux à propos desquels on a pu dire qu’elles pré guraient les Majas de Goya.Mais l’engouement pour ces représentations ne trouvèrent pas le même écho le long des siècles qui suivirent. Lorsqu’en 1827, le palais de la Zarzuela fut réorganisé pour fournir des œuvres au Prado, il fut convenu de n’envoyer que la version habillée, la nudité étant devenue choquante et pouvant heurter les sensibilités. À cet égard, le roi Ferdinand VII se débarrassa de la version nue en l’offrant au peintre Juan Galvez. Une généreuse donation, en 1939, rendit en n possible la réunion des deux tableaux au musée du Prado.JAVIER PORTÚSBIBLIOGRAPHIE: Cabezas1680;Palomino[1724]1986,pp.288-89;Allende-SalazaretSánchezCantón1919, pp. 245-46 ; Marzolf 1961, pp. 90-91 et 170-72 ; A. E. Pérez Sánchez dans Madrid 1986, pp. 108-10, n.o 31 ; J. Álvarez Lopera dans Itinérante 2006-7, p. 114, n.o 32 ; López Vizcaíno et Carreño 2007, p. 382 ; Ruiz Gómez 2010, p. 23 ; J. Portús dans Brisbane 2012, p. 98, n.o 1055